Dans le sillon de celles qu’elle nomme ses « sœurs d’armes » – de Sylvia Plath à Nelly Arcan, ou encore Anne Sexton, Carole David ou José Yvon -, la poète Émilie Turmel s’attache, depuis quelques années déjà, à explorer l’acte d’écrire en tant que femme.
Si avec Casse-gueules, son premier recueil, elle évoquait l’engourdissement et l’enfermement du corps des jeunes filles en fleur, en friandise, elle a par la suite avec Vanités creusé la douleur au travers du regard d’une enfant creusant elle-même en son reflet, se reflétant dans le reflet ombré et fardé de sa mère. Plus récemment, elle a mis en lumière avec Berceuses la double éclipse d’être mère et les gestes de l’amour répétés, posant la question des empreintes laissées par ses soins et chants mille fois recommencés, évoquant la mémoire séculaire des femmes, sa perte, la rupture de cette chaîne de transmission en nos corps.
Séduite par les mots et l’univers d’Émilie, la femme de théâtre et grande lectrice qu’est Johanne Haberlin propose avec Mon corps ébloui, debout une nouvelle architecture à partir de segments choisis de son œuvre. Pour cette lecture-spectacle poétique et polyphonique, parfois chorale, elle a convoqué sur scène quatre femmes, interprètes d’exception, comme autant de visages diffractés d’une seule, qui se révèle la fois singulière et multiple.