Faudrait qu’Einstein m’explique. Depuis vendredi soir dernier, 19 h 14, il s’est produit une solide brèche dans l’espace-temps.
Lorsqu’on passe la porte du Sporting Club, où se tient jusqu’à dimanche 19 h 14 le record du monde du plus long micro ouvert, on se retrouve subitement dans une autre dimension, où le temps s’écoute différemment ici (mes doigts ont tapé tout seuls cette jolie faute de frappe, je la donc laisse tel quel).
La seule autre fois de ma vie où j’ai senti un tel décalage avec la normalité spatiotemporelle, c’est à la naissance de mes trois enfants. D’ailleurs, pour celle de Félix, à la Maison de naissance Côte-des-Neiges, Isabelle, notre sage-femme, m’avait demandé d’enlever ma montre-bracelet (c’était en 2001, à une époque où les gens avaient encore des montres plutôt que des téléphones portables). « Ça prendra le temps que ça prendra », m’avait-elle précisé. Lorsque ton amoureuse accouche, certaines heures passent comme des secondes; et parfois, tu as l’impression d’avoir vécu trois vies en une minute.
Je suis entré sur scène à 06 h 56 ce matin, un bon paquet de livres à la main. Mon ami Christian devait se pointer pour lire de 07 h 20 à 07 h 40, mais comme il a eu un empêchement, je me suis donné pour mission de lire pendant une quarantaine de minutes des extraits de livres dont j’ai été l’éditeur, jadis. Après sept jours et sept nuits, je me disais que les troupes seraient fatiguées et j’avais envie de leur donner un électrochoc : j’ai donc lu des passages particulièrement loufoques et/ou violents et/ou cochons. Il y avait en tout six personnes sur place et douze qui suivaient à partir de leur domicile, en diffusion continue sur le Web.
Les quarante minutes m’en ont paru huit. Et je n’exagère même pas.
En sortant de scène, j’étais fier d’avoir pu participer à cette patente plus grosse que la somme de ses lecteurs et lectrices. Ma collègue du FIL Dominique Janelle et moi étions incapables de nous résigner à partir, après presque trois heures d’écoute, ce matin; on ne veut en effet plus quitter cet endroit après y avoir entré.
Tout de suite après ma performance, j’ai réalisé une entrevue sur la scène avec Carl. On a parlé de la grande famille tissée serré des poètes et poétesses du Québec; il a raconté les meilleurs moments de la semaine; il a décrit l’ivresse, le buzz produit par la privation de sommeil jumelée à l’écoute quasi-continue de textes littéraires.
Puis, à la fin de l’entrevue, j’ai émis une idée : pourquoi une institution comme, par exemple, la Grande Bibliothèque, ne créerait-elle pas un Espace Micro, pour que des quidams puissent y lire et y entendre des textes, du matin jusqu’au soir ? Pourquoi ne pas installer une grande boîte avec une webcam dans le Quartier des spectacles, où les gens pourraient y lire des textes qui seraient ainsi diffusés dans le monde entier ? On peut bien rêver.
Le micro ouvert se poursuit jusqu’à dimanche soir. Il reste encore des places si ça vous tente d’y participer, surtout entre 2 h et 9 h samedi et dimanche!
Pour télécharger mon entrevue avec Carl Bessette : https://www.dropbox.com/s/e9btcloignstmo3/InterviewCarlBessette.m4a?dl=0
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