La naissance d’un écrivain

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Debout sur une chaise, dans le hall de la Cinquième Salle de la Place des Arts, le directeur de la collection Quai no 5 des Éditions Hurtubise, Tristan Malavoy, a tapé des mains pour imposer le silence et prendre la parole devant les dizaines de personnes restées boire un verre après la représentation du spectacle Océans, afin de célébrer la sortie du livre du même nom écrit par James Hyndman. L’éditeur avait eu la main heureuse en décidant d’organiser le lancement du livre tout de suite après le spectacle : les gens étaient nombreux à faire la file pour obtenir une dédicace de leur exemplaire et comme le show avait été à la hauteur des attentes, l’atmosphère était à la fête.

Après avoir souligné les cinq ans de sa collection, lui qui y avait fait paraître un premier titre durant le FIL 2013, Tristan a pris une pause et a lancé : « Ce soir, nous avons assisté à la naissance d’un écrivain ». Nous étions tous d’accord avec lui.

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Ce que nous ressentions hier doit s’apparenter à ce que vivent les astronomes lorsqu’ils pointent leur télescope sur une étoile qui en est à ses toutes premières fusions nucléaires. Pour ma part, c’est au début de ma carrière d’éditeur que j’ai senti ce frisson avec le plus d’acuité, chez Triptyque ou encore à l’Effet pourpre : après avoir ouvert quatre-vingt-quatorze huîtres contenant quatre-vingt-quatorze manuscrits qui ne suscitaient pas mon enthousiasme, je pêchais finalement une perle en déchirant la quatre-vingt-quinzième enveloppe. C’est arrivé avec Hervé Bouchard, avec Patrick Brisebois, avec feu Sir Robert Gray et quelques autres aussi : tu tiens un paquet de feuilles noircies d’encre à bout de bras et tu cries à tes collègues ou à ta blonde, après avoir lu une trentaine de pages (ça se sait vite, ces choses-là) : « J’en tiens UN ! »

On sent aussi un truc semblable quand on est lecteur — je me souviendrai toute ma vie de la fulgurance de mes coups de foudre pour Philippe Djian, Victor-Lévy Beaulieu ou Michel Garneau —, mais à titre d’éditeur, cette joie se double d’une autre, plus vive encore : après plusieurs mois de travail, on aura en plus la satisfaction de faire découvrir cette écriture singulière, ce style percutant, ces idées nouvelles à des centaines de lectrices et lecteurs. Ne le répétez à personne, mais c’est pour cette raison précise que je préfère éditer à l’acte pur de la lecture.

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Tristan a poursuivi en soulignant avec justesse que bien que les douze soliloques qui composent le livre (et le spectacle) puissent paraître simples, ils sont néanmoins extrêmement difficiles à écrire. Pourquoi ? Parce que l’auteur réussit à nous faire voir, mais sans les écrire, les mi-dires et les non-dits entre les êtres, que ce soit entre parent et enfant, entre amants, entre amoureux, entre ex, etc.; il réussit à faire exister les abîmes qui se créent parfois entre nous, mais sans les pointer du doigt, sans sortir son crayon marqueur. C’est un art très subtil, qui nécessite une grande compréhension des humains, un sens de l’observation minutieux et une véritable maîtrise de la mécanique des mots — par exemple en utilisant judicieusement les hésitations, les répétitions, les phrases incomplètes, etc. Le métier d’acteur de Hyndman a dû l’aider également, car ses monologues sonnent vrais. On ne sent pas le travail de l’écrivain derrière les mots.

On connaissait déjà la voix d’acteur de James Hyndman, inimitable; on est excités de découvrir sa voix d’écrivain, qui l’est tout autant.

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Juste avant ce spectacle, je suis passé taper du pied aux Jardins Gamelin, alors que le groupe de rumba catalane Muchacho y los Sobrinos mettait le feu à la place avec ses rythmes irrésistibles. Je dépose ci-dessous quelques photos de leur spectacle. Des liens solides existent entre le FIL et la Catalogne, j’aurai l’occasion d’y revenir demain.

Ce soir, 20 h, je serai au Théâtre Outremont pour assister au spectacle Du Big Bang à la double hélice : Paroles de science lues par Yanick Villedieu — de ça aussi, je vous en reparle demain.

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